PARCOURS DE MONSIEUR LEOD PAUL BATOLO
1986 – 1990 École polytechnique de Masuku (Gabon) –Diplôme d’ingénieur électromécanique
1991 – 1996 Université polytechnique (France) – Diplôme, thèse de doctorat mécanique des fluides
1997 – 2000 Comilog Moanda – Ingénieur projets maintenance
2001 – 2003 Eramet – Ingénieur de projet (France)
2003 – 2008 Chef de projet industriel (Nouvelle-Calédonie)
2011 – 2016 Directeur du Complexe industriel de Moanda (CIM)
2016 – 2018 Directeur général adjoint depuis 2019 Administrateur directeur général
La Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog) est une multinationale gabonaise, filiale du groupe métallurgique français Eramet. Elle fêtera ses 60 ans d’activité en 2022. La Comilog est le 1er producteur mondial de produits à base de manganèse pour l’industrie chimique et le 2e producteur mondial de manganèse à haute teneur. Comilog est la première entreprise gabonaise, tous secteurs confondus. Elle est l’un des principaux employeurs privés du Gabon. Les chiffres de 2019 l’attestent et ceux de 2020 le confirment : plus de 3200 collaborateurs, dont 1200 prestataires extérieurs, 17 M€ (plus de 11 mds de F CFA) investis dans les actions sociétales, 350 M€ (plus de 229 mds de F CFA) de contributions à l’économie du pays, etc. Déterminée à allier performance et responsabilité, Comilog s’engage tant sur le plan social et sociétal qu’en faveur de la biodiversité. Monsieur L.P. Batolo nous a reçus et a répondu sans filtre à nos questions. Nous l’en remercions.
Échos de l’Éco : Monsieur Batolo, commençons par l’essentiel des activités de Comilog, la production de manganèse. Avec les plateaux d’exploitation de Bangombé et bientôt d’Okouma, vous ambitionnez d’atteindre les 7 millions de tonnes/an. À quelle échéance ? Quelles prospectives ? Quelles problématiques ?
La progression de Comilog est bien engagée et affichée. Son ambition d’évoluer sur le marché international se révèle par sa volonté de devenir le 1er producteur mondial de manganèse. Le Gabon a des ressources et plus d’une vingtaine d’années de réserves sur lesquelles nous pouvons nous appuyer. Par ailleurs, il est important de noter que nous avons rouvert un département d’exploration au sein de l’entreprise. À côté du plateau de Bangombé, sur lequel nous travaillons depuis 60 ans, nous avons démarré en novembre 2020 nos activités sur le plateau d’Okouma, sans compter que les plateaux Bafoula et Yéyé sont encore inexploités. Les demandes d’autorisation d’exploration sont d’ores et déjà déposées auprès des autorités gabonaises. Vous l’aurez compris, le développement de Comilog ne sera pas entravé par un manque de ressources. Concernant les 7 millions de tonnes, nous adoptons le même processus qui consiste à extraire le minerai et à le transporter jusqu’au port d’Owendo par la voie ferroviaire. Nous faisons face à deux problématiques en cours et elles seront bientôt résolues grâce à l’investissement de l’État, du groupe Eramet et de la Setrag. Au sujet du Transgabonais, nous avons signé le 25 juin avec le gouvernement gabonais l’avenant no 2 de la concession de Setrag. Il nous permettra de débloquer les financements que nous avons demandés. Nous pourrons alors continuer les travaux nécessaires sur la voie de chemin de fer. Ils sont importants. Il s’agit de stabiliser les zones dites instables, notamment sur les 180 km qui séparent Libreville de Ndjolé, de remplacer les rails, de remplacer des traverses vieillies qui font que la voie se casse par endroit. Au sujet du transport maritime, par souci d’économie d’échelle, nous travaillons sur un projet baptisé Jeroboam. En effet, si nous souhaitons augmenter et améliorer notre compétitivité sur le plan international, nous devons accroître notre capacité de transbordement et, par voie de conséquence, adopter une méthode différente. Jusqu’à présent, nous utilisions des navires d’une capacité 50000 tonnes. Le port d’Owendo ne peut accueillir des bateaux plus importants parce que limité par la hauteur du tirant d’eau. Le calcul est simple. Quand nous envoyons 200000 tonnes de minerai en Chine, cette quantité nécessite 4 bateaux, donc 4 fois les opérations, 4 fois les frais, 4 fois plus de pollution. Or, il existe des supertankers minéraliers capables de transporter 190000 à 200000 tonnes, mais ils sont équipés d’un tirant d’eau d’environ 30 mètres. Pour réaliser ce projet, nous étudions la possibilité de faire stationner ces supertankers au large de Libreville pour que les navires de 50000 tonnes viennent transborder le minerai. Donc, nous maintiendrons les activités avec les bateaux actuels, ainsi que les emplois liés à cette économie d’échelle tout en maîtrisant les coûts. Tout est mis en œuvre pour accueillir ce premier tanker avant la fin de l’année 2021. En résumé, nous aurons besoin de 35 supertankers pour transporter 7 millions de tonnes au lieu de 120 navires utilisés en 2020 pour transporter 5 900 000 tonnes. Ces actions contribuent à la croissance du Gabon, au profit des exploitations minières, forestières, pétrolières et aussi touristiques.
Monsieur Batolo, revenons à la production. Quelle est la raison de l’arrêt des activités du manganèse métal ?
Comme toute activité industrielle, nous sommes souvent confrontés à un décalage entre les prévisions et la réalité. En 2009, nous avons construit un business model pour lancer une activité de manganèse métal en même temps que nous réalisions le silicomanganèse. Transformer le manganèse sur place répondait à une demande des plus hautes autorités du pays. À cette époque, nous étions trois acteurs du secteur, respectivement installés en Afrique du Sud, en Chine, et nous, au Gabon. La Chine a développé un tel rendement qu’elle présentait sur le marché international une capacité de production de plus d’un million de tonnes de manganèse métal ce qui correspond à 50 fois la capacité de nos ressources. Le résultat, vous le devinez. Le problème auquel nous avons été confrontés est un cas d’école ; il nous a obligés à prendre des décisions courageuses. Pour faire simple, notre bilan prévisionnel était fondé sur un prix de vente fixé à 3200 $/tonne alors que le prix de la production était de 1800 dollars. Entre l’étude et la production effective, des facteurs économiques mondiaux se sont imposés. Le prix du manganèse a chuté de 3200 $ à 1800 $ et nos coûts de production sont passés de 1800 $ à 3000 $. Cet état de fait a généré une perte colossale au cours de ces cinq premières années. En accord avec notre conseil d’administration, nous avons cessé cette activité et arrêté l’hémorragie financière. L’ensemble du personnel, environ 200 personnes qui travaillaient à l’électrolyse, a suivi un programme de formation et intégré différents postes au sein de Comilog, ce qui a évité tout licenciement. Ces installations sont à présent utilisées à la production de MnO2 (dioxyde de manganèse). Ce produit est destiné à l’alimentation du bétail, à la chimie, à fabrication de baguettes de soudure… Il s’avère que cette reconversion d’activité est prometteuse.
Quel sera le devenir des terres dont a été extrait le manganèse ? Comment pensez-vous les réhabiliter et à quelles fins ?
Prenons pour exemple le plateau de Bangombé. Il entre dans le processus de notre programme RSE. Il est en cours de réhabilitation par une revégétalisation des espèces voulues, à croissance rapide ou de type agrume. Cette initiative contribuera à construire cette mutation vers une économie parallèle. En fait, nous n’avons pas de limite, grâce aux économies alternatives possibles. Le potentiel d’actions, d’activités et de développement est tel que notre problème sera davantage de trouver les ressources humaines capables de nous accompagner pour réaliser cette conversion. Nous sommes engagés et nous espérons que les populations qui nous entourent seront à nos côtés pour construire ce nouveau développement de l’activité minière.
Quelles relations entretenez-vous avec les autres producteurs de manganèse ?
Les autres producteurs de manganèse au Gabon ne sont pas nos concurrents. Ils sont des partenaires qui participent aussi à l’économie gabonaise, ils rencontrent les mêmes difficultés que nous et, au risque de vous surprendre, nous discutons, nous tentons de trouver des solutions pour les uns et les autres, nous nous entraidons, bref, ils sont des partenaires d’affaires. Nos concurrents sont en Afrique du Sud, en Australie et au Ghana.
Selon vous, en quoi le développement du numérique est-il l’avenir de l’industrie ?
Notre époque est celle de la transition et nous devons tous nous efforcer de garantir que ces changements tournent dans la bonne direction. Le développement numérique est un levier très important de nos activités. J’utilise souvent un paradigme « Tides of change » et je le traduis par ces quelques définitions : T comme technologie, I comme institutionnel, D comme démographie, E comme éthique, économie et S comme social. Je considère que chacun de ces sujets change le monde. La technologie est au cœur de notre développement, elle nous fait accélérer, nous aide à aller plus fort et plus loin en un temps record, donc, oui, notre avenir dépend du développement de toutes les nouveautés technologiques et notamment, numériques, digitales, etc.
Toute exploitation minière est qualifiée de pollueuse. Quelle est la politique menée chez Comilog pour lutter contre le mauvais impact environnemental produit ? Est-ce une des raisons pour lesquelles vous avez inauguré, en juin, la fondation ayant pour objectif de préserver la biodiversité ?
Ces sujets sont complémentaires. Toutes activités, qu’elles soient humaines ou industrielles, génèrent une perturbation de l’écosystème. La question à laquelle il faut impérativement répondre est la suivante : comment contrôler cette problématique, comment en limiter et en gérer les impacts ? Alors, oui, l’exploitation du manganèse est une exploitation qui perturbe les écosystèmes. Nous devons décaper la terre végétale et décaper la partie stérile sur 5 mètres de profondeur pour récupérer le manganèse. Notre rôle est de remettre les lieux en état pour offrir une conversion, une réhabilitation de ces terres pour qu’elles soient de nouveau utilisées à d’autres fins. Ces processus sont encadrés parce que nous avons depuis longtemps pris conscience de ces enjeux. Nous sommes certifiés ISO 14001 depuis 2012. Nous sommes donc audités chaque année et reconnus comme étant des acteurs efficients dans ce domaine. Nous entretenons d’étroites relations avec la direction générale de l’Environnement et de la Protection de la nature avec laquelle nous travaillons systématiquement sur l’ensemble des thèmes environnementaux. Nous accordons un budget important à notre politique de gestion et à la revalorisation de nos déchets tels que les produits souillés, des huiles, des batteries, des filtres à huile, etc. Je souhaite souligner que le sujet de la biodiversité dépend de notre volonté de la conserver. L’écosystème est un biotope. Il correspond à un milieu de vie délimité géographiquement dans lequel les conditions écologiques (température, humidité, etc.) sont homogènes, bien définies, et suffisent à l’épanouissement des êtres vivants qui y résident avec lesquels ils forment un écosystème. D’où l’attention particulière que nous portons à ces phénomènes. Le parc de 14000 ha de Bakoumba qui vient d’être érigé en « Fondation Lekedi pour la biodiversité » est une preuve supplémentaire de cette volonté affichée par la Comilog et le groupe Eramet. Il est l’expression de notre volonté et de notre engagement sur le plan environnemental, social et sociétal, il enracine aussi nos actions dites de RSE. Ce parc a généré une cinquantaine d’emplois, nous attendons des chercheurs qui étudieront et travailleront à la conservation de cette biodiversité.
Combien la Comilog compte t-elle de collaborateurs ? Quelle est la part de la gent féminine ?
En moyenne, à l’année, nous employons 2000 personnes dont 16 à 17 % sont des collaboratrices. Mon objectif est d’atteindre les 30 % à l’horizon 2023. Nos métiers s’exercent loin de la capitale et ne sont pas particulièrement féminins. Je dois reconnaître que notre DRH peine à trouver des profils correspondant aux postes à pourvoir. Cependant, je ne désespère pas. Nos deux conductrices de dumpers sont nos ambassadrices !
En 2022 vous fêterez les 60 ans de la Comilog. Y a-t-il un rapport avec la transformation managériale en cours ?
Non, il n'y a pas de lien entre les deux. La Comilog a bientôt 60 ans, elle a l’âge de la maturité, certes, mais pour elle, ce n’est pas l’heure de la retraite. Nous continuerons à la gérer avec sagesse pour que dans les années 2080, elle soit encore plus performante. Pour progresser et ne pas rester dans une zone de confort, il est indispensable de passer par une transformation managériale progressive. Ces impératifs d’intégration des critères de management internationaux s’inscrivent sur plusieurs axes. Le premier consiste à se transformer soi-même, le deuxième nécessite que nous adoptions de nouvelles méthodes. Cela se traduit par un constat des niveaux en passant par le benchmark qui est une technique marketing et/ou de gestion de la qualité qui consiste à étudier et analyser les techniques, les modes d’organisation des autres entreprises afin de s’en inspirer et d’en tirer le meilleur. Ceci nous permet d’approcher ce que l’on appelle chez nous l’excellence opérationnelle et de mettre en place une standardisation des processus. L’ensemble de ces axes seront conduits dans le même temps afin de proposer à tous les talents du monde et aux talents gabonais une entreprise qui n’a rien à envier aux autres producteurs de manganèse. Ce sont aussi ces différences, notamment managériales, qui contribueront à ce que Comilog et le Gabon demeurent parmi les premiers producteurs mondiaux de manganèse. L’ambition de Comilog est d’être comme un opérateur de référence. Pour y parvenir, le pilier central est multiple : il se définit par la gestion de notre politique RSE, par nos relations communautaires, par la façon dont nous gérons nos impacts environnementaux, par nos dialogues avec les populations et enfin par la considération du retour de nos actions à leur endroit.
le 21 juillet 2021
Propos recueillis par : L'équipe du ECE
Comilog, Gabon, RSE, Industrie
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